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Lors d'un colloque sur le maquis du Vercors en octobre dernier à Valence, Gilles Vergnon, historien et maître de conférence à l'université de Lyon, nous a parlé d'officiers allemands particulièrement formés pour la répression. Ceux-ci s'illustrèrent par leur férocité en Yougoslavie face aux troupes de Tito et en Ukraine. Certains participèrent aux combats du Vercors en juillet et août 1944. Parmi eux, Théodor Oberländer , le bourreau de Lvov.
Pour mieux comprendre la répression du Vercors, je vais vous raconter les exploits de ce triste individu. .
Le 9 novembre 1923, Oberländer participa, avec le juge Krüger, au putsch de Hitler contre la république de Weimar. Lorsque les nazis prirent le pouvoir, Oberländer parvint aux plus hauts postes de la hiérarchie du parti.
Le 1 er mars 1933 il fut nommé directeur de « l'institut économique de l'Europe orientale» à Konigsberg et devint professeur en 1934 alors qu'il n'avait que 29 ans. Il fut chef de groupe régional, puis, sur le vœu personnel de Rudolf Hess, chef de la fameuse « ligue de l'est allemand » En 1945, il était Hauptsturmfùhrer S.A. et responsable de la fédération de Prusse orientale au sein de la ligue patriotique des allemands à l'étranger.
L'aboutissement pour ce « combat pour le peuple allemand» devait être le massacre des peuples slaves: « Le combat pour le peuple allemand en temps de paix n'est autre que la poursuite de la guerre avec d'autres moyens... Un combat qui durera des générations pour réaliser ce but unique: l'extermination! (Der Neue Weg, 1936).
Lorsque les préparatifs de guerre eurent atteint leur stade décisif, Oberländer fut affecté au 2ème service de l'Abwehr auprès du haut commandement de la Wehrmacht; il y était officier. Il fut l'un des initiateurs et des organisateurs de l'attaque contre l'émetteur de Gleiwitz, qui servit de prétexte contre l'invasion de la Pologne. Après l'occupation de ce pays, il demanda l'expulsion et l'extermination totale du peuple polonais.
Avant l'agression contre l'Union Soviétique, «opération Barbarosa », Oberländer créa et entraîna pour le compte de « l' Abwher II » une unité de sabotage et de subversion devant être envoyée en mission spéciale. C'était le bataillon «Nachtigal ».11 était composé de nationalistes, d'asociaux et de criminels ukrainiens. Ce groupe devait effectuer des sabotages, subversions, assassiner et exterminer certaines populations en Ukraine.
C'est à ce moment là que commença la période la plus sinistre de la carrière d'Oberländer .
Le 31 juin 1941, le bataillon «Nachtigal» fut la première unité de la Wehnnacht à atteindre la ville soviétique de Lvov où il resta jusqu'au 7 juillet 1941. On estime que le nombre de femmes, enfants et vieillards assassinés par le bataillon «Nachtigal » au cours des six mois de l'occupation, oscille entre 3000 et 5000. Oberländer entreprit à Lvov la réalisation du plan qu'il avait formé depuis longtemps pour l'extermination des intellectuels Polonais et Soviétiques. Ils avaient été identifiés par « l'institut pour le travail Allemand à l'Est» de Cracovie avec l'aide d'Oberländer , bien avant l'agression de l'Union Soviétique. Le bataillon «Nachtigal» ne limita pas ses forfaits à Lvov. La formation conduite par Oberländer se rendit tristement célèbre parmi la population civile des villes de Solotchev, Tarnapol, Prokuro, Jitomir et Vinnica. Après un court intermède pendant lequel il fut chef de service «Abwehr 11>> auprès du commandant du groupe d'armée Sud, Oberländer accepta en automne 1941 de mettre sur pied une unité spéciale dont la mission serait de terroriser la population Soviétique des régions occupées et de lutter contre la résistance. Oberländer força des ressortissants des peuples du Caucase, prisonniers de la Wehnnacht, à s'enrôler dans cette unité. Pour ces malheureux, le choix était simple: mourir dans un .camp fasciste ou entrer dans le bataillon (plus tard régiment)« Bergmann ». L'état major de la Wehnnacht avait prévu à l'origine que l'unité spéciale « Bergmann », commandée par Oberländer , effectuerait des opérations de diversion sur les arrières soviétiques. Pendant les années J 9421943, elle fut cependant affectée à des missions contre la population civile et contre les partisans. Toutes ces opérations furent exécutées avec la« plus grande dureté ». Les ordres de marche étaient signés d'Oberländer . Les soldats du régiment qui ne voulurent pas se rendre coupable furent fusillés. Les exécutions sommaires se multiplièrent lorsqu'une partie du régiment opposa résistance. Oberländer fit passer sept soldats devant un tribunal de guerre qui les condamna à mort. Après une brève mission dans les Balkans, le régiment organisé et instruit par Oberländer se distingua en 1944 lors de l'effroyable répression de Varsovie. Officier de l'Abwehr, Théodore Oberländer se retrouva le 25 juillet 1944 dans le massif du Vercors et notamment à la Chapelle en Vercors, investie depuis le matin par les troupes de montagne « Gebirgsjagers » venant du village de Saint Martin en Vercors. Il a pour mission le renseignement mais surtout de diriger la répression. Après avoir rassemblé seize otages, il les fit tourner en rond dans une cour proche de la ferme Chabert (au centre du village), puis, debout, légèrement en hauteur sur des escaliers extérieurs une bouteille d'alcool dans une main, un Colt 45 dans l'autre, il les abattit d'une balle dans la tête les un après les autres. Après avoir achevé les victimes au pistolet mitrailleur, les allemands tentèrent de brûler les corps, puis de les piéger à la grenade. Théodore Oberländer se distingue dans sa responsabilité sur le massacre de la grotte de la Luire et dans les condamnations à mort prononcées à Saint Nazaire en Royans en compagnie de Rudolph Schneider et de la fameuse Mireille Provence dénonciatrice du maquis du Vercors. Le charnier de Saint Nazaire en Royans fut la terrible conséquence de ces condamnations. Vers la fin de la guerre, Oberländer fut nommé chef du camp d'instruction «propagande à l'Est pour les unités en missions spéciales» à Dabendorf, près de Berlin. (Instruction idéologique des Vlassoviens). Oberländer s'enfuit en Tchécoslovaquie, peu avant l'arrivée des troupes soviétiques où il entra dans le groupe des correspondants SS. Le 23 avril 1945 il se rendit aux américains.
Il a exercé une grande influence dans la politique de revanche (dans les années 50). Il terminera ministre (ministère des expatriés) à Bonn dans les années 60. Recherché comme criminel de guerre, la R.F.A. a toujours refusé son extradition, en essayant, mais en vain, de lui donner un brevet d'innocence.
Réf. : le livre Brun des criminels de guerre, lettres de Little John (historien anglais).
(Adhérent n° 156) Bernard COLIAT
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